Peut-on toujours éviter l’apparition de fissures au sein de surfaces carrelées extérieures ?
La fissuration des revêtements de sol carrelés ou des dallages extérieurs est un phénomène extrêmement fréquent. On considère même que, quel que soit le système constructif utilisé et malgré le fait que toutes les précautions d’usage soient respectées, l’apparition de microfissures de faible ouverture est inhérente aux revêtements carrelés ou aux dallages extérieurs. Cette situation peut s’expliquer par le fait que ce type de revêtement est soumis à un niveau de sollicitation particulièrement élevé. Cet article a pour but de passer en revue les principales causes d’apparition de ce phénomène. Une Note d’information technique relative aux terrasses sur terre-plein est actuellement en cours de rédaction et fournira des recommandations visant à limiter les risques de fissuration.
Variations hygrothermiques
Un revêtement de sol extérieur soumis à l’ensoleillement peut voir sa température de surface varier de -10 à -15 °C en hiver à 50 à 60 °C en été, selon que la teinte du revêtement est claire ou foncée. Les variations dimensionnelles qui résultent de ces écarts de température peuvent atteindre plusieurs millimètres et occasionnent dès lors des tensions importantes au sein du revêtement de sol.
Dans le cas d’une pose collée sur chape durcie, généralement recommandée, les mouvements thermiques occasionnent des tensions de compression et de traction alternées au sein du complexe chape/revêtement, selon que ces derniers subissent une élévation ou une diminution de leur température.
Si le revêtement adhère à la chape et que celle-ci adhère à son support, les risques de fissuration sont relativement réduits, pour autant toutefois que celui-ci soit stable et non fissuré.
Dans le contexte de terrasses extérieures, il est fréquent que l’on interpose une couche drainante (non-tissé synthétique, par exemple) entre le support et la chape, ce qui a pour conséquence de libérer les mouvements de cette dernière.
1 | Microfissures au sein des joints d’un dallage en pierre naturelle
Lorsque le revêtement et la chape de pose sont subdivisés par des joints de dilatation délimitant des panneaux de petites surfaces (généralement 15 à 16 m²), que la chape est suffisamment armée et qu’elle peut glisser sans trop de friction sur son support, ces tensions ne sont alors pas suffisamment élevées que pour occasionner une fissuration notable du revêtement.
Dans le cas contraire (surface trop importante, chape insuffisamment armée, support présentant des variations d’épaisseur contrariant le glissement de la chape), les contraintes de traction accompagnant le refroidissement de la chape et de son revêtement risquent d’occasionner l’apparition de fissures, qui peuvent alors se localiser dans les joints ou au sein des carreaux ou des dalles, selon que le matériau utilisé comme revêtement de sol possède ou non une résistance à la traction élevée (voir figure 1).
Dans le cas d’une pose au mortier sur un lit de sable stabilisé, la faible résistance en traction des différentes couches en présence entraîne, lors d’une période de refroidissement, la formation de fissures au sein des joints, ceux-ci étant généralement plus tendres que le matériau constituant le revêtement. Dans le cas d’une pose à joints alternés, on constate fréquemment que les fissures s’amorcent au sein d’un joint et se prolongent à travers le revêtement lui-même.
C’est notamment en raison de cette sensibilité à la fissuration que la pose au mortier sur sable stabilisé est généralement déconseillée à l’extérieur et ne devrait être retenue que pour des dalles épaisses et/ou en cas de variation importante de l’épaisseur de ces dernières.
Lorsque le revêtement est pris en butée sans possibilités de dilatation, les tensions de compression qui accompagnent une élévation de température peuvent alors occasionner l’apparition d’éclats au sein du revêtement, principalement lorsque le mortier de jointoiement est de très grande dureté et qu’il n’a pas pu pénétrer sur toute la hauteur de la tranche des dalles.
Couches de désolidarisation
On trouve également sur le marché des couches intermédiaires de désolidarisation qui sont destinées à être placées dans le produit de pose entre le support et le revêtement. Elles sont marouflées dans l’épaisseur de colle avant la pose des éléments de revêtement. Leur utilisation a pour but de réduire les tensions générées par les déformations relatives entre le revêtement et son support, en permettant un certain glissement.
Ces couches sont appelées nattes ou membranes de désolidarisation et présentent une épaisseur de 1,5 à 3,5 mm. Lorsqu’elles doivent également assurer une fonction de drainage (en sols extérieurs, par exemple), leur épaisseur augmente de 6 à 8 mm.
Elles sont généralement constituées de feutres non tissés, éventuellement combinés à une membrane nervurée (en polyéthylène, par exemple) ou encore à une natte plus épaisse de polyéthylène, par exemple, si une fonction de drainage est également prévue.
Contrairement aux produits d’étanchéité, pour lesquels plusieurs normes existent (voir Les Dossiers du CSTC 2010/2.11), il est important de noter que ces couches de désolidarisation ne font actuellement l’objet d’aucune norme définissant les caractéristiques et performances attendues de ce type de produit ou encore les méthodes d’essai pour les évaluer. L’utilisateur n’a donc à sa disposition que les seules indications du fabricant. Signalons toutefois que certains de ces produits disposent d’un agrément émis dans des pays tels que la France ou l’Allemagne, mais aucun en Belgique.
Sous l’égide de son Comité technique ‘Revêtements durs de murs et de sols’, le CSTC entamera prochainement une étude visant à mieux connaître les performances de ces nattes ou membranes de désolidarisation.
Retrait de la chape
Lorsque les carreaux ou les dalles sont battus dans la chape fraîche ou collés sur une chape durcie relativement jeune, le retrait résiduel de cette dernière est également susceptible d’occasionner des tensions dans le revêtement. Si la chape a été mise en œuvre sur une sous-couche drainante et/ou de désolidarisation susceptible de se déformer sous charge (sur un matelas drainant épais, par exemple), ces tensions peuvent occasionner le cintrage et la fissuration, qui adopte alors une allure erratique, du complexe chape/revêtement, tel que l’expliquent les articles précédemment publiés à ce sujet (voir Les Dossiers du CSTC 2008/4.2).
Mouvement du support
Contrairement aux fondations de bâtiments ou d’ouvrages routiers, il est généralement admis que la profondeur du fond de coffre des terrasses reste inférieure aux profondeurs considérées comme étant en dehors de l’influence du gel (soit généralement 80 cm) ou des modifications de la teneur en eau du sol (1,5 m, voire plus dans le cas de sols très plastiques). Des gonflements ou retraits du sol situé sous la sous-fondation de la terrasse ne sont dès lors pas exclus lors de conditions climatiques extrêmes et peuvent occasionner l’apparition de fissures au sein du complexe carrelage ou dallage. De même, lorsque le sol situé sous la terrasse est constitué d’un remblai récemment mis en œuvre et que ce dernier n’a pas été compacté correctement (couches de 20 à 30 cm d’épaisseur soigneusement damées), un tassement résiduel après la réalisation de la terrasse donnant lieu à la déformation et la fissuration de cette dernière est toujours possible.
En cas d’utilisation de résidus industriels pour les travaux de remblaiement, il importe de Sollicitations mécaniques
- Carreaux ou dalles
- Mortier-colle
- Chape armée
- Couche drainante
- Fondation (béton)
- Sous-fondation (empierrement)
- Terre-plein
2 | Représentation schématique d’un revêtement dur extérieur sur terre-plein
Les revêtements de sol des terrasses extérieures ont généralement une épaisseur réduite (de l’ordre de 10 à 15 mm pour les carreaux céramiques et, le plus souvent, de 15 à 40 mm pour les dalles de pierre naturelle). Tant que l’on se limite à une circulation pédestre sur le revêtement, ces épaisseurs s’avèrent généralement suffisantes pour cet usage. Dans le cas des entrées de garage, la circulation de véhicules sur le revêtement constitue un niveau de sollicitation beaucoup plus sévère et nécessite l’utilisation d’un revêtement sensiblement plus épais ainsi qu’une pose appropriée et l’adaptation de l’épaisseur des couches sous-jacentes. La pose d’un revêtement mince au mortier sur un lit de sable stabilisé présente en effet un risque important de fissuration dû à la déformation de ce dernier en raison de la circulation des véhicules. De même, dans le cas d’une pose au mortier-colle sur chape armée, il importe que les carreaux ou les dalles soient parfaitement soutenus sur la totalité de leur surface afin que leur résistance en flexion et aux chocs s’en trouve accrue, ce qui nécessite une pose soignée par double encollage.
Influence du gel
Il est certain que, pour pouvoir s’opposer aux différentes tensions exposées dans cet article, il est préférable que le matériau constituant le revêtement de sol possède des caractéristiques mécaniques élevées. C’est généralement le cas des carreaux céramiques de type grès cérame vitrifié et des pierres naturelles de type granite ou basalte.
Certains carreaux céramiques ou certaines pierres naturelles plus tendres possèdent, dès leur mise en œuvre, des caractéristiques mécaniques plus faibles et seront dès lors plus sensibles à la fissuration. Les fiches de la NIT 228 fournissent des informations relatives aux caractéristiques mécaniques et à la résistance au gel d’une cinquantaine de pierres naturelles.
Il faut cependant tenir compte du fait que, sous l’influence des cycles de gel/dégel auxquels le revêtement est soumis, on peut parfois observer une diminution progressive, mais significative, de ses caractéristiques mécaniques initiales (voir Les Dossiers du CSTC 2011/4.12). Dans ce cas, sa résistance en traction peut être affaiblie au point que les tensions évoquées ci-dessus, qui n’étaient initialement pas suffisamment élevées pour provoquer la fissuration du revêtement, le deviennent progressivements’assurer du caractère inerte des matériaux utilisés (voir CSTC-Magazine 1996, n° 4, p. 21).